J’ai eu froid en fin de nuit, et je comprends vite pourquoi : la barre de céréales a gelé dans la tente, elle est dure sous la dent. A l’extérieur, les mares et les berges des torrents sont prises par la glace. Je pars avec l’onglée après avoir plié la tente, en bonnet, gants et mes quatre épaisseurs de vêtements. J’ai vu mes jambes et je suis sec et maigre à faire peur : plus un atome de graisse, et les muscles tous individualisés sous la peau, avec des veines apparentes.
J’ai un ADN d’échassier, j’ai faim, et le lac n’est pas poissonneux.
Ensuite, avec une conviction qui s’amenuise, je franchis crête de caillasse après crête de caillasse, je descends dans un ravin puis dans un autre, mais chaque crête vaincue en cache une autre plus élevée, chaque ravin est un nouveau gouffre. Je suis seul, loin de tout, et je sais qu’il n’y aura plus de pâturages, et plus aucune âme qui vive. Mon but est pourtant séduisant : l’itinéraire doit aboutir sur le flanc du glacier Grum Grjimailo, et si ses rives sont libres entre glace et roche, me permettre de rejoindre la rivière Tanimas à 20 km.
C’en est trop. « Fais demi-tour ! » Non !
« Tu n’as aucune chance de planter ta tente ! Pas un m2 libre et plan ! Tu veux dormir à l’air libre à 4500 m d’altitude ? Et si le vent se lève, tu crois que tu te réveilleras ? »
- Sans le sac, je peux aller voir derrière la prochaine crête, et si c’est bon, je reviens le chercher.
« Reste vigilant ! Un accident, un accident ! »
Je dépose mon sac.
« Pour aller voir quoi ? »
J'hésite. Je ne vois plus d’issue. Je le reprends.
Je vide ma tête pour... faire demi-tour.
Je ne dois pas réfléchir, je ne dois pas réfléchir !
Je dépose mon sac.
« Pour aller voir quoi ? »
J'hésite. Je ne vois plus d’issue. Je le reprends.
Je vide ma tête pour... faire demi-tour.
Je ne dois pas réfléchir, je ne dois pas réfléchir !
Les edelweiss sont épanouies. Ma tente est dans un écrin d’or.
Mais moi, j’ai joué, j'ai perdu…
15 kilomètres
Alors une chanson de circonstance, et de Keane, pour m'endormir :
"I walked across an empty land,
I knew the pathway like the back of my hand.
I felt the earth beneath my feet,
Sat by the river and it made me complete.
Oh simple thing where have you gone,
I'm getting old and I need something to rely on...
I knew the pathway like the back of my hand.
I felt the earth beneath my feet,
Sat by the river and it made me complete.
Oh simple thing where have you gone,
I'm getting old and I need something to rely on...
Heureusement que tu as rencontré un garçon "autoritaire" pour te prendre en photo. On voit en effet les efforts, les difficultés que tu as endurés.
RépondreSupprimerTu as perdu, dis-tu, ...quoi? des kilos certes, mais tu as gagné...un défi même si tu n'es pas arrivé au bout du bout, des souvenirs où tes sens sont encore en émoi pour longtemps, un plaisir fou à raconter ton odyssée, et sans aucun doute une leçon de vie.
Brigitte