28 août : En contre-bas du lac Sarez







Je prends le chemin de Bartchidiv en ascension constante, avec une jolie perspective sur Nissour que je quitte. Arrivé au col, la vue sur Bartchidiv, encaissé dans sa vallée, est féérique et la rivière Murghab qui descend du lac Sarez est d'un bleu séducteur. Créé en 1911 par un séisme qui a barré la vallée, ce lac est une « épée de Damoclès » pour toute la vallée de Bartang et ses 25.000 habitants. Long de 60 km, profond de 500 mètres, c'est un demi-lac Léman qui contient 17 milliards de m3 d'eau, et le fragile barrage qui le retient menace de s’effondrer. La vague qui noierait toute la vallée et raierait les villages de la carte, ravagerait ensuite la frontière afghane, et loin en aval les rives ouzbèques et turkmènes jusqu’à la mer d’Aral, en un cataclysme monstrueux. Tous les villageois en sont conscients et plus ou moins fatalistes. Dans la haute vallée, les deux plus gros bourgs où vivent environ mille habitants, Bardara et Rochorv, sont quand même situés nettement en surplomb. Et moi-même je prends conscience, après Rukhtch d’être moins menacé. Quoique ce soit sans doute un attrait décisif de crapahuter dans le lieu le plus dangereux au monde (sic), et de camper au ras de la rive...




La vue plongeante sur Bartchidiv est pour le moment d’une sérénité absolue. Les villageois s’activent dans les petites parcelles entre abricotiers et peupliers, et disposent leurs gerbes de foin en courbes abstraites méticuleuses qui m’interpellent.






Comme dans le moindre hameau, l’école restaurée par la Fondation Agha Khan scintille sous son toit métallique, et une équipe d'ouvriers construit une grande maison pamirie pour l’un d’entre eux, en un pari optimiste. Je reste à contempler cette oasis, émouvante dans l’écrin minéral majestueux qui l’enchâsse apparemment à l’écart du monde.




 




 

L'air y est doux, et je prends le thé avec des abricots secs sur une estrade extérieure en compagnie d’un vieux monsieur, puis le jeune Radjiv me conduit au pont et m’indique l’impressionnant chemin muletier qui mène à Rukhtch. Le dénivelé est effrayant, et le sentier à peine marqué, (350 m en 1,3 km : cela vous parle-t-il ?) mais la vue du sommet est à nouveau grandiose.




Ne vous inquiétez pas pour ma tenue : 
j'ai eu chaud en montant et je promets que je suis seul.

La descente de l’autre côté va être tout aussi dantesque avec des éboulis rocheux de tout calibre, en une corniche qui offre un panorama sur la Bartang valant toutes les photos aériennes. Lors d’un dernier passage périlleux,  je me surprends à psalmodier un leitmotiv censé soutenir mon attention : « Reste vigilant ! Reste vigilant ! Reste vigilant ! »












Et je termine ce parcours d’obstacles par une passerelle vacillante.
A Roukhtch , j’ai droit à des patates et des nouilles qui ressemblent à des lambeaux de gras découpé en lanières : j’hésite à les ingurgiter, mais non, ils les appellent bien en « russe » macaronis.
Aujourd'hui : 22 km.



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