Les passerelles sont des défis

 
Il faut avant tout savoir ce qu’il convient de franchir avec les passerelles ! A l’évidence, les passerelles sont faites pour franchir les rivières.
Mais, ici dans le Pamir, que sont les rivières ?
Ce ne sont pas des fleuves majestueux. Les rivières ne sont ni la Loire, ni la Seine, ni même le Guillec.


Je sais : il faut que je vous mette en situation.




On appelle « rivières » ces cours d’eau, peut-être parce qu’ils sont assez larges, mais avant tout parce qu’ils ont un débit conséquent. Alors, ne vous y trompez pas, le terme "rivière" est trompeur, évocateur de paysages bucoliques, de lenteur, de majesté, qui n’ont rien à faire ici.
Ici, ce sont des torrents !
A la fois des rivières par leur ampleur, mais surtout des torrents parce qu’elles, ces rivières, sont le plus souvent furieuses, furibondes, et forcenées. Tonitruantes, tempétueuses, et... terrifiantes.




A voir leur colère rageuse, vous avez l’impression que leurs vagues n’ont qu’une obsession : remonter à la source. A force d’être assourdi toutes les nuits, dans ma petite tente, par leur rugissement incessant, je me réveillais persuadé d’avoir dormi au bord d’une voie ferrée. Ces rivière sonnent comme un TGV qui aurait cent mille wagons, un TGV pour l’éternité. Parfois même, c’était un Boeing au décollage, cabré mais suspendu dans un temps immobile. Tout ça pour dire que ce bruit est assourdissant, et qu’il n’y a pas de nuits calmes dans les vallées étroites du Pamir.




Ce courant véloce avait pour moi un grand mérite : je savais qu’en cas de mal aigu des montagnes, il suffisait de sauter à l’eau pour descendre en deux temps trois mouvements de 4000 m à 2000 m d'altitude. Noyé pour noyé, j’aurais préféré l’eau des fontes neigeuses à l’eau de l’œdème pulmonaire…



Ce n'est pas une passerelle, c'est un vrai pont avec ses plaques de tôle.
Mais depuis la crue, il n'est plus accessible aux voitures.


Encore un pont. Encore inaccessible, car celui-ci n'a plus sa largeur initiale.

Il faut bien sûr franchir les rivières du Pamir, et s’il y a quelques ponts, il y a surtout des passerelles pour piétons. La diversité des passerelles n’a pas d’égal. Quelques passerelles soignées vous inspirent d’emblée une grande confiance, et vous traversez en profitant au mieux du paysage que vous osez regarder. Vous  sautez sur l'occasion de faire une pause au milieu du cours, et pourquoi pas ? Une photo.


La somptueuse passerelle du tout petit village de Rid,
où vivent 44 habitants !


 Et la majestueuse passerelle de Barchidiv offerte par le Japon

Quelques passerelles, sans vous inquiéter plus que ça, demandent un peu d’attention à chaque pas. Devant d’autres plus nombreuses, vous vous posez des questions sur la nécessité de les emprunter. Mais le village sur l’autre rive a toujours un fort pouvoir d’attraction. Et si vous êtes venus de si loin, ce n’est pas pour trembler comme une feuille au bord de l'eau !



Quand la passerelle est pittoresque sur la rivière en colère, il n’y a jamais de rambarde, ça va de soi. Les deux filins métalliques qui la soutiennent sont couverts de branchages transversaux grêles et épineux (pourquoi épineux ? Je vous le demande) sur lesquels il n’est pas question de mettre le pied et encore moins la main. On pose alors le pied sur des planches longitudinales. Ah ! vous faites les fanfarons ! C’est que vous n’avez pas compris que les planches se succèdent mais ne se côtoient pas toujours, et qu’il faut traverser comme sur un fil, en funambule, pied après pied. Avec le sac sur le dos ! Et pendant ce temps la passerelle roule de droite à gauche car il y a du vent ! Et la passerelle tangue d’avant en arrière, car vous, malgré tout,  téméraire, vous avancez. Oui, vous avancez. Or la passerelle n’est pas très bien tendue et vous n’avez pas  encore perdu assez de poids : la gravité joue avec vos nerfs. J’avoue que j’ai profité une fois de la main secourable d’un villageois pour oser m’aventurer au dessus des flots, et que j’ai quand même marché en crabe tout au long de cette passerelle.




La passerelle de Pasor, très originale par sa forte rambarde


Petit détail : le plus souvent, vous savez d’avance que vous ferez l’aller et le retour ! Vous y allez  quand même parce que vous êtes invité, ou parce que vous êtes curieux. L’appétit et la curiosité sont des moteurs hyper-puissants, je l’ai appris dans la vallée de Bartang !


Sur un petit torrent, un grand luxe qui ravit le trekkeur


Et dans le village de Yapchorv, le comble du raffinement


Les pieds qui assurent !
Et je promets solennellement qu'ils ont emprunté toutes ces passerelles, sauf la seconde !


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