14 septembre : Identité tadjique



Vous imaginez ça : une douche tiède et un savonnage sans précipitation frissonnante ? Les torrents glacés sont loin ! Dans le miroir de la salle de bain, je découvre avec intérêt mon ossature trop visible…  
Madina, la cuisinière, m’offre tout un repas au petit-déjeuner après un tour matinal en ville : soupe de légumes avec un morceau de viande, tomates et concombres, pain frais, thé et petits gâteaux. J’ai toujours faim et je dévore en me promettant de ne pas trop jouer les parasites, et de me sustenter parfois ailleurs si possible.



Les petits immeubles pimpants des larges avenues arborées
donnent à Dochanbé une apparence coloniale désuète.
La ville est aérée, bien plantée, propre, active et souriante.


Ici, les tenues citadines masculines sont très soignées et élégamment démodées. Tous les étudiants sont cravatés sur chemises blanches et pantalons sombres. La plupart des hommes jeunes ont de même un costume classique gris et une cravate unie de couleur vive. Quelques vieux messieurs ont gardé leur tenue traditionnelle. Dans ces avenues mondaines, je suis repéré de loin avec ma chemise informe et mon pantalon de randonneur. Encore heureux que je sois passé chez le coiffeur, les barbes ici ne sont pas légion.
Le ministre de l’éducation s’en est même pris à une mère voilée : «Les parents voilés dehors ! Leurs enfants aussi ! Envoyez les en Iran !»



La mosquée Haji Yakoub,


modeste sur le plan architectural,


pour un Islam discret...


En milieu de journée, je fais à nouveau un long tour en ville pour jouer les reporters, puis j’assiste comme promis à la cérémonie religieuse qui a lieu à cinq heures, dans le sous-sol de la maison d’accueil. Elle regroupe essentiellement les jeunes adeptes, qui alternent à ma grande surprise prières et sketches profanes comiques. Tout est en russe et je ne comprends rien aux liens qui unissent les différents moments. Les prières sont chantées sur un rythme entraînant, accompagnées au piano et lues sur grand écran. Les sketches sont des scénettes préparées, auxquelles participent quelques membres de l’assemblée. L’une relate un oral d’examen où le professeur se laisse surprendre par la gouaille d’un candidat ignorant. Une autre est un jeu de chaises musicales. Un guitariste inspiré vient chanter … ses amours divines ?
Ce mélange est très étonnant, même si je sais que les Évangélistes jouent beaucoup sur la corde musicale. Évangélistes américains et Baptistes russes ont probablement une parenté. Je me félicite de n’être pas appelé sur scène. En fait, je m’éclipse avant.  



Opéra Ayni : théâtre, opéras et ballets dans la plus pure tradition russe 
L'Opéra va bientôt donner "Carmen" : l'affiche est à gauche


L'hôtel Vakhch occupé par les Moudjahiddin lors de la guerre civile


La longue avenue Roudaki, large et ombragée de quatre rangs de grands arbres, est parcourue par les tramways. Les perches de ces tramways sont équipées d'une corde qui permet au conducteur de changer de réseau dans les carrefours : il descend, tire sur la corde pour décrocher la perche et la bascule vers les câbles choisis. Puis il ajuste cette corde sur le flanc du tramway.


Dans le haut de l'avenue Roudaki,
les immeubles récents, luxueux, ont changé de dimensions





Le nouveau palais présidentiel,
dans la majestueuse perspective des jardins Roudaki,
impressionne le visiteur avec son dôme doré.
Favorablement ?


Le monument à la gloire d'Ismoil Somoni

Ismaïl 1er, fondateur de la dynastie des Samanides (875-999), règne à partir de Boukhara. Sa dynastie sera, au Moyen-âge, la version la plus aboutie d'une dynastie persane indépendante du califat, avec une forte identité qui favorise le renouveau littéraire persan. Ce héros national retrouvé est la caution des revendications territoriales tadjiques sur Samarcande et Boukhara, attribuées à l'Ouzbékistan par le découpage soviétique des frontières. La perte de ces villes historiques prive en effet le Tadjikistan de tout son héritage culturel.


 Le monument à Roudaki, avec le palais présidentiel en arrière-plan


Rudaki, 859-941, le père de la poésie lyrique persane, né à Pendjikent  sur le territoire actuel du Tadjikistan, compose, à la cour samanide, la versification persane réputée de "Kalila et Dimna", et fait œuvre de philosophe capable de joutes prestigieuses sur le sens de la Vie et la place de l'Homme dans la Création.




Je ne résiste pas, j'ajoute après coup cet agrandissement de la photo du palais présidentiel, car c'est la réponse du président Emom Ali Rahmon à Rudaki qui ne le regarde pas : la place de l'homme dans la Création...

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