10 septembre : L'ombre tutélaire


                    
Khidjez                 


Je passe sans m’arrêter devant les villages de Sipondj et Vissao, visités à l’aller, et je traverse la rivière sur un beau pont financé par la Fondation Agha Khan, pour atteindre le village de Khidjez et ses 233 habitants. C’est un village très boisé et ombragé, dont l’ambiance est bucolique. Je suis invité et accueilli à nouveau sur une estrade extérieure. La voisine de mon hôtesse se prête volontiers à un petit cours sur la vie villageoise. Elle est d’origine ouzbèque, mais de nationalité tadjique, et son mari est tadjik pamiri. Ainsi malgré une jeunesse sunnite, elle s’est adaptée, sans réticence ni hostilité, à la religion chiite ismaélienne de son village d’adoption, et participe à la vie de cette communauté.
Le village bénéficie d’une épicerie-dépôt, où les achats se font en gros semble-t-il, d’une école neuve et d’un dispensaire avec un médecin résidant. Je finis par croire qu’il y a autant de passerelles, d’écoles et de dispensaires que de villages, tous financés par Karim Agha Khan. A Raouivd, j’avais rencontré la toute jeune femme médecin du village, dont les habitants étaient très fiers, tout en restant assez sceptiques sur les bienfaits de la médecine officielle. (En fait, je n’oublie pas que j’ai souvent du mal à saisir les nuances du vocabulaire, et je suppose que je fais facilement des erreurs d’interprétation. Donc mon témoignage n’est pas parole d’évangile, désolé…)
J’apprends que son four à pain personnel sert à ses voisins autant qu’à elle-même, et que la source où sa fille, 24 ans, frictionne le linge offre un eau incomparable pour la lessive.
Les jeunes tadjiks, surdiplômés grâce à l’université de Khorog, doivent s’exiler pour trouver du travail, et c’est toujours vers Moscou ou Saint-Pétersbourg puisque l’Espace Schengen leur est inaccessible. Mais leurs salaires sont dérisoires (quand ils sont payés), et dramatiquement inégaux entre filles et garçons, sans parler de la discrimination russe à l’égard des population non-slaves, discrimination qui verse facilement dans la xénophobie et les agressions depuis la disparition de l'URSS. Beaucoup reviennent au pays désabusés. Le Tadjikistan connaît actuellement un taux de suicides catastrophique chez les jeunes gens.
 


 
 Le dispensaire de Vissao



La voisine d'origine ouzbèque



La source incomparable









La cueillette des baies de berbéris


Les vents de sable désagréables sur la piste


Le village suivant, Rid, est lui aussi de l’autre côté de la rivière, et la passerelle solide est tout à fait sécurisée pour ses 44 habitants. Par contre les maisons sont d’apparence misérable, sans aucun décor, parfois même sans torchis. C’est là que j’ai vu les tentes blanches offertes par la Belgique, lors des dernières crues quand l'eau avait envahi les habitations. Le village est en effet situé sur une prairie au ras de la rivière. Je vais profiter d’une de ces tentes qui couvre une estrade. Cette fois je suis servi d’un plat de nouilles, qui sont toujours dénommés «macaronis».
Un majestueux noyer protège… le petit cabanon des latrines communes.
Les enfants sont captivés par l’installation de ma tente : les arceaux qui se déploient sont un tour de magie dans mes mains, planter les sardines orange est un jeu, ils veulent souffler dans le petit matelas prétendument auto-gonflable, mon sac de couchage ne vaut pas leurs grosses couvertures, mais mon drap de soie est un luxe incompréhensible. Si vous ne comprenez pas, vous non plus, que je me promène là-bas avec un drap de soie, sachez qu’à lui seul il vous fait gagner 5° celsius ! Mais il faut être tout nu dedans. Quand il fait bien froid, être tout nu n’est pas toujours suffisant. De toutes façons, moi je porte toujours un caleçon pour pouvoir sortir en catastrophe. Il y a en effet plein de circonstances nocturnes variées qui nécessitent une grande précipitation…Ne serait-ce que le miaulement du léopard !





Le noyer majestueux



Sous la tente belge après 24 km

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